Ex nihilo Neil

20 janvier 2012

Fincher fait chier !

ATTENTION, CE POST CONTIENT DES SPOILERS CONCERNANT LE LIVRE – ET VRAISEMBLABLEMENT LE FILM – MILLÉNIUM

J’aime beaucoup David Fincher. Je pense que ce mec est un des meilleurs cinéastes d’Hollywood. Il a su s’adapter à son époque, ne pas rester dans les visions oppressantes et claustrophobes des années 1990 qu’il avait si bien rendues dans ses premiers films (Alien3, Se7en…) pour embrasser la critique sociétale (Fight Club) et les visions plus macroscopiques (Zodiac, The Social Network…). Et franchement, un mec qui arrive à rendre Zodiac aussi captivant est forcément un grand artiste.
Du coup ça me fait chier qu’il adapte Millénium.
Parce que je vais me sentir obligé d’aller le voir, et qu’il est capable de me faire aimer l’œuvre de Stieg Larsson.

Ne vous fiez pas à la couv', Mercredi Addams n'a rien à voir avec ce bouquin !
Car je déteste Stieg Larsson. Je sais qu’il est mort, c’est pas bien de dire du mal, mais voilà, j’ai lu Millénium et j’ai trouvé ça vraiment, vraiment pourri.
Pas dans le sens où je n’ai pas aimé l’ambiance, où elle m’a troublé… par exemple je n’ai pas aimé Le Festin nu, de William S. Burroughs. Le Festin nu est un livre malsain, abject, horrible, qui m’a donné envie de vomir jusqu’à ce que je renonce à le lire vers la moitié de l’ouvrage. Mais en ce sens, il réalise l’objectif de l’auteur. C’est une œuvre magistrale, éminemment réussie. Je ne l’aime pas, mais c’est un bon livre.
Millénium, lui, est un livre de merde.

Déjà, d’un point du vue purement romanesque, Millénium est un polar pouilleux. L’intrigue est pour ainsi dire inexistante, et le peu qui surnage est si tiré par les cheveux qu’il n’a plus aucun sens. Si je devais retenir un principal défaut du scénario, ce serait certainement que l’on finit systématiquement par apprendre que ce que l’on soupçonnait depuis le début est vrai.
Prenons le héros, Mikael. Depuis le début du bouquin, il est mis au ban des journalistes suédois pour avoir publié des informations erronées. C’est le héros, on se doute donc qu’il a été manipulé, mais il sous-entend sans cesse que c’est plus compliqué que ça. Eh bien finalement, on apprend qu’en fait, il a été manipulé pour diffuser des informations erronées. C’est tout. C’est ce qu’on sait depuis le début, et ça nous est « révélé » comme un tournant de l’intrigue.

Mais la meilleure reste l’héroïne, Lisbeth. Elle a apparemment une technique secrète pour récupérer des données confidentielles, et le scénario met bien l’accent sur ce don quasi surnaturel. Et on découvre finalement qu’elle est… pirate informatique. C’est une hacker ! Un twist scénaristique qu’on n’ose plus faire depuis le milieu des années 1980 !
On se doute aussi qu’elle a un passif lourd, du genre elle a été violée, et… ben, elle a été violée. Et elle s’en est vengée. De manière dégueulasse. Et ici, le livre nous explique qu’il est bien d’agir ainsi, que c’était la bonne chose à faire. Car pour Larsson, il faut rendre justice soi-même, c’est la seule bonne méthode. Non content de ne pas savoir torcher une intrigue, l’auteur fait preuve d’un sens moral pour le moins sujet à caution.
Ah, oui, on pense aussi que l’un des protagonistes est un pervers, ce qu’il s’avère bien entendu être en définitive. Bref, je ne sais pas si c’est ça la nouvelle vague du polar, mais quand la résolution du suspens révèle qu’en fait, tout est exactement comme on nous l’avait dit au départ, soit on crie au génie, soit on réfléchit deux secondes et on réalise qu’il n’y a tout simplement pas de suspens.

Ceci dit, tout cela pourrait être tempéré par une écriture hors du commun. Il y en a d’autres, des livres sans grand intérêt scénaristique mais sublimé par la plume d’un auteur en état de grâce. Sauf qu’ici, c’est plutôt le néant absolu. Larsson enfile les lieux communs comme d’autres les perles, et le traducteur ne se fatigue même pas à éviter les lourdeurs de style et les répétitions. J’ai vraiment eu l’impression de lire un mauvais roman de gare tout le long. Le Da Vinci Code est mieux écrit ! On pourra tenter de reporter la faute sur le traducteur (c’est assez pratique, nous sommes peu nombreux à lire le suédois dans le texte, mais admettons…). Sauf qu’une amie l’a lu en anglais, et m’a confirmé que le résultat était tout aussi catastrophique. De plus, ça n’explique pas le succès du roman en France, où personne ne s’est enquillé la version originale.

Le duo d'investigateurs le plus inutile depuis les Dupond/Dupont.

J’ai vraiment essayé d’aimer ce livre, je l’ai lu avec les meilleures intentions du monde, pétri d’indulgence, des tas de gens m’avaient affirmé l’avoir aimé, adoré… Le seul aspect positif que j’en retire, c’est la présentation de la société suédoise sous un jour un peu moins positif que jusqu’alors. On évoque souvent la Scandinavie comme une terre de cocagne, il faut reconnaître à Larsson, ancien journaliste, un certain talent pour présenter les travers de ses compatriotes.
Mais bon, j’irai sans doute voir le film de Fincher. Parce que j’aime beaucoup Fincher.
Mais putain, pourvu qu'il ne nous adapte pas toute la trilogie !

4 commentaires:

Rouuuuuutiers power !!! a dit…

Mais regarde la version suédoise !!! Et arrêtons de faire des remake de films qui existent déjà, un peu de créativité bon sang !
Ouf ça va mieux ! :-)

Marion a dit…

"Mais putain, pourvu qu'il ne nous adapte pas toute la trilogie ! "

La je crois que tu rêves ...

t’entends pas le bruit de la caisse enregistreuse ?

SammyDay a dit…

bon, moi j'ai bien aimé. D'accord avec toi, c'est pas le summum de l'écriture ni du scénario. Mais on finit par s'attacher aux personnages, si basiques qu'ils soient dans leurs réactions prévisibles. Vraiment, la seule qualité qu'on peut déceler pour l'auteur, c'est que toutes les réactions des personnages, même basiques, sont absolument valables psychologiquement. Bien sûr, quand les personnages sont basiques, les réactions sont basiques.

Sinon, je considère que "Millenium" a au moins un gros intérêt (le même en fait que Da Vinci Code) : faire aimer la lecture à un plus grand nombre de lecteurs (ça doit être un des premiers livres "complexes" que mon frangin s'est fadé en entier), et avoir un sujet différent des Arlequins, Barbara Cartland et Mary higgins Clark.

Et enfin, je découvre la Suède (et une partie de son histoire et de son tissu social). Et ça c'est toujours intéressant.

Neil a dit…

Rouuuutiers power !!! :
Mais qui peut bien se cacher derrière ce pseudo ^_^?

SammyDay :
C'est vrai que c'est un de ces bouquins qui, comme Da Vinci Code ou Harry Potter, a fait lire beaucoup de gens. Je me demande si des gens auraient appris le suédois pour découvrir le quatrième en avant-première...?